Henri-Matisse : Histoire de l’école

« Nous étudions le passé pour y trouver les semences
d’un inimaginable avenir.
»
Timothy Radcliffe, je vous appelle amis, Cerf, 2000.


En nous permettant de reproduire les quatre premiers chapitres du livret dans lequel elles ont rassemblé leurs souvenirs et quelques-unes de leurs archives, les fondatrices de l’école Charles-Péguy à Montreuil font à la communauté éducative d’Henri-Matisse un formidable cadeau.

Comme l’exprime la phrase de Timothy Radcliffe (qu’elles ont elles-mêmes placée en exergue de leur fascicule), il ne s’agit pas, revenant sur l’histoire de l’école, de nous enfermer dans une prison d’orgueil ou de nostalgie, lesquels seraient également vains et inféconds.

 Il s’agit seulement de nous laisser redire ce qu’ont été les intuitions des membres de la Communauté Saint-François-Xavier lors de leur arrivée à Montreuil. Entreprise d’autant plus nécessaire que leur discrétion et leur modestie se sont moins préoccupées de laisser trace dans la pierre que dans les cœurs et les mémoires.

Il s’agit surtout de discerner ce qui, dans notre manière propre d’éduquer à Henri-Matisse, dans nos pratiques pédagogiques actuelles, procède d’une fidélité à cette intuition originale. Et parce que cette fidélité passe avant tout par les personnes, c’est aux acteurs d’aujourd’hui, parents et éducateurs, que ce livret est destiné.

Il s’agit enfin de nous donner la liberté d’innover. Non pour rompre avec le passé, mais pour le continuer dans un avenir à inventer, et pour faire vivre notre tradition éducative propre face aux défis du présent. On notera par exemple le souci qu’avait les fondatrices du quartier dans lequel s’installait leur école : est-il le même aujourd’hui ?

Pour finir, et en signe de notre gratitude, on me permettra de nommer simplement celles qui ont contribué, par leurs souvenirs et par une vie donnée à l’école Charles Péguy de Montreuil, au livret que vous allez ouvrir : Françoise Bonnaire, Louise-Marie Epron, Françoise Ferraro, Monique Lecot, Nicole Pommier, Marie-France Potet, Marcelle Vallée. Qu’à travers elles, tous ceux qui ont contribué à ce qu’est aujourd’hui Henri-Matisse se trouvent remerciés !


Pierrick MADINIER
Novembre 2007


LES ECOLES CHARLES PEGUY

Avant d’aborder l’histoire de l’École Charles-Péguy de Montreuil, un bref aperçu sur l’ensemble des Écoles Charles-Péguy aidera à mieux situer cette dernière fondation que fut Montreuil.
L’inspiration de Madeleine Daniélou c‘est à Lourdes, en novembre 1929, lors d’une journée de pèlerinage où elle pria « longuement à la grotte presque solitaire, pensant à toute la foule des enfants de France qui lui était comme présente » que Madeleine Daniélou eut la certitude intérieure qu’elle devait se lancer. Il fallait faire quelque chose d’ordre éducatif dans les milieux ouvriers. Et déjà elle voyait quatre grands collèges à Paris aux quatre points cardinaux, et douze écoles en banlieue, en couronne autour de Paris.
C’est à Marie Comeau, alors directrice des études au Collège Ste-Marie de Neuilly, qu’elle confia le projet. Celle-ci commença par fonder une École normale primaire à Meung-sur-Loire, qui ouvrait ses portes le 1er
 octobre 1931, pour former des institutrices capables de prendre des classes dans les Écoles Charles-Péguy. Dans le cursus habituel des études étaient intégrés un enseignement religieux et un enseignement social initiant aux conditions réelles de la vie ouvrière à cette époque.


Les Écoles Charles-Péguy : une formule toute neuve, hardie et courageuse


Marie Comeau écrivait en 1933 en pensant aux futures Écoles Charles-Péguy, « qu’on y reçoive tous les enfants sans distinction des opinions religieuses, philosophiques ou politiques des parents ; qu’on s’efforce de donner à tous ces enfants l’instruction la plus complète, le développement intellectuel et spirituel, cela dans les mêmes conditions de gratuité qu’à l’école publique ».
Les Écoles Charles-Péguy seront des écoles primaires gratuites (ce fut possible, jusqu’à la mise en place des contrats d’association, grâce au partage fraternel avec les Collèges Ste-Marie), ouvertes à tous, non confessionnelles, implantées en banlieue parisienne. Chacune d’elles est le point de départ d’activités parascolaires sociales, familiales ou culturelles répondant aux besoins particuliers du quartier où elles  s’insèrent. Leur nom : Péguy, qui disait des instituteurs « Ils ont le plus beau métier du monde, le plus beau après celui des parents ». Ainsi pouvait naître spontanément le désir de donner à des écoles, où selon le vœu du poète, les enfants ne viendraient pas « désapprendre l’innocence première qui est tout », le nom de Charles Péguy. 

Les fondations


– Le 1er octobre 1933, la première École Charles-Péguy à Courbevoie, en plein monde ouvrier, accueille cent vingt petites filles dans une jolie école toute neuve, peinte en rose, telle que Marie Comeau l’avait rêvée. Un an après cette ouverture, s’ajoute à l’école pour répondre aux besoins du quartier, le Dispensaire Léon Chassaing et un Foyer offrant des activités sociales et de loisirs.

– En avril 1936, a surgi la deuxième École Charles-Péguy, à Bobigny, dans la banlieue-est de Paris, où se multipliaient les cellules communistes, peu avant les élections de juin 1936 qui voient la victoire du Front Populaire. Des activités familiales s’organisent pour les parents et les jeunes en profitant de la Maison familiale située à Noisy-le-Roi, près de la forêt.
– En octobre
1941 s’ouvre à Paris, 54 avenue de la République dans le onzième arrondissement, la troisième École Charles-Péguy, aux jours les plus sombres de la guerre et de l’occupation. Cette nouvelle école était destinée à permettre aux élèves des Écoles Charles-Péguy de Courbevoie et de Bobigny de poursuivre leurs études. Ces deux écoles de banlieue ne préparaient qu’au Certificat d’études. Marie Comeau souhaitait développer au maximum les possibilités des enfants. L’École Charles-Péguy de Paris permettait de poursuivre des études générales ou des études techniques, section commerciale et section couture.
– Le 2 mai 1949, l’École Charles-Péguy de Montreuil-sous-Bois fait son apparition et Françoise Bonnaire y accueille les premiers petits élèves. Voici ce qu’elle nous dit :

«Une toute petite maison au toit rose entre deux arbres, deux acacias fleuris. Une maison d’école au fond d’une prairie toute verte, où poussent des pâquerettes et des pissenlits. Il faut marcher sur l’herbe pour arriver à la maison. Au-dessus de la porte vitrée garnie de rideaux, de belles lettres blanches en relief : ÉCOLE CHARLES-PEGUY »

Bientôt la suite…